Art 815-9 CC: l'indemnité d'occupation lors d'une indivision, d'un divorce, d'une séparation

Publié le 1 Septembre 2019

En indivision, dès lors que les autres propriétaires n’ont pas accès au lieu, il y a utilisation privative. Cela donne lieu à une indemnité qui doit être versée.

Celui qui détient seul les clés d'un immeuble est présumé en disposer privativement et doit une indemnité d’occupation aux autres. Peu importe qu’il ne profite pas du local ou qu’il ne l’occupe pas car il y a utilisation privative dès lors que les autres propriétaires n’y ont pas accès.

L’article 815-9 al. 2 du Code civil dispose que l’indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d’une indemnité.

Dans cet arrêt du 31/03/2016, un héritier auquel ses frères et sœurs réclamaient une indemnité parce qu’il avait seul les clés d’une maison dont tous avaient hérité, répliquait qu’il n’en faisait aucun usage et qu’elle était vide. Cet argument n'a pas été retenu par les juges car on peut jouir d’un bien sans en user. Il suffit que ce bien soit à disposition et que l’on puisse en user si l’on veut.

Dès lors que les autres indivisaires n’ont pas les clés d’un immeuble, même s’il est inoccupé, on peut considérer que le détenteur des clés en jouit privativement. L’indemnité est due, même en l’absence d’occupation effective, à moins toutefois que le détenteur des clés prouve les avoir mises à la disposition des autres. L'indemnité de l'article 815-9 est due même en l'absence d'occupation effective (CIV 1ère, 12/01/1994). La jouissance privative d'un bien indivis résulte de l'impossibilité de droit ou de fait pour les coindivisaires d'user de la chose (CIV 1ère 8/07/2009).

Celui qui, sans résider dans l'immeuble indivis, en détient seul les clés, ce qui lui permet d'avoir seul la libre disposition du bien indivis, doit une indemnité aux autres indivisaires (CIV 1ère 30/06/2004).

Cette situation se retrouve lors d'un divorce ou d'une séparation de corps. Le fait que les enfants du mariage aient été, après le divorce, logés dans l'immeuble dépendant de la communauté avec l'accord du père, n'exclut pas que la mère puisse devoir une indemnité pour l'occupation de ce logement avec eux ... Il appartient au juge du fond de rechercher dans quelle mesure cette mise à la disposition de l'immeuble constituait une contribution du père à son obligation d'entretien et d'éducation des enfants (CIV 1ère 9/10/1990). Il résulte des dispositions combinées des art. 262-1 et 815-9 qu'à compter de la date de l'assignation en divorce, et sauf convention contraire, une indemnité est due par le conjoint qui jouit privativement d'un bien indivis (CIV 2ème 11/02/1998).

 

Cour de cassation
chambre civile 1 - Audience publique du jeudi 31 mars 2016 - N° de pourvoi: 15-10748

Publié au bulletin Cassation partielle

Mme Batut (président), président
SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat(s)


REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 21 novembre 2012, pourvoi n° 11-20. 365), que Lucien X... est décédé le 21 janvier 1990, en laissant pour lui succéder son épouse commune en biens, Michelle X..., et leurs deux enfants, Xavier et Marie-Agnès ; qu'en 2004, Michelle X..., assistée de sa curatrice, a assigné M. Xavier X... ainsi que l'époux et le fils de Marie-Agnès X..., décédée, MM. Michel et Florent Y... (les consorts Y...), en partage de la succession de Lucien X... ; que Michelle X... est décédée en cours d'instance ;

Sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 815-9 du code civil ;

Attendu que, pour rejeter la demande de M. X... tendant à la fixation d'une indemnité à la charge des consorts Y... pour l'occupation privative de l'immeuble de Gerbévillers, l'arrêt, après avoir retenu que ces derniers s'étaient opposés à remettre à M. X... en personne une clé de l'unique porte d'entrée permettant l'accès à l'immeuble, énonce qu'il ne peut en être déduit l'existence d'une occupation exclusive de cet immeuble ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la jouissance privative d'un immeuble indivis résulte de l'impossibilité de droit ou de fait pour les coïndivisaires d'user de la chose et que la détention des clés de la porte d'entrée de l'immeuble, en ce qu'elle permettait aux consorts Y... d'avoir seuls la libre disposition du bien indivis, était constitutive d'une jouissance privative et exclusive, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le second moyen :

Vu les articles 1382 et 731 du code civil ;

Attendu qu'il résulte du premier de ces textes que toute personne victime d'un dommage, quelle qu'en soit la nature, a droit d'en obtenir l'indemnisation de celui qui l'a causé et, selon le second, que le droit à réparation du dommage résultant de la souffrance morale éprouvée par la victime avant son décès, étant né dans son patrimoine, se transmet à son décès à ses héritiers ;

Attendu que, pour déclarer irrecevable la demande de M. X... tendant à la condamnation des consorts Y... à lui payer des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par Michelle X..., l'arrêt retient que, si sa qualité d'héritier lui permet de revendiquer le bénéfice d'une action née dans le patrimoine de son auteur dont il exerce les droits, cet exercice suppose, toutefois, que son auteur ait entendu réclamer le bénéfice de cette action à son profit et qu'en l'espèce, Michelle X..., demanderesse à la procédure initiale et assistée de sa curatrice, n'a jamais formulé de demande indemnitaire, tant devant le tribunal que devant la cour d'appel ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en celles de ses dispositions qui déclarent recevable, mais mal fondée, la demande de M. Xavier X... en paiement d'une indemnité d'occupation et irrecevable la demande de M. X... tendant à la condamnation des consorts Y... à lui payer des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par Michelle X..., l'arrêt rendu le 4 novembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Colmar ;

Condamne les consorts Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mars deux mille seize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour M. X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré mal fondée la demande de M. Xavier X... en paiement d'une indemnité d'occupation ;

AUX MOTIFS QUE s'agissant du bien-fondé de cette demande, il est constant que le bien a été acquis en indivision égalitaire, tant par M. Lucien X... et son épouse Michelle que par M. Michel Y... et son épouse Marie-Agnès née X..., selon acte établi le 30 juin 1997 par devant Maître Z..., notaire à Blainville sur l'Eau (Meurthe et Moselle) ; que faisant application des dispositions de l'article 815-9 du Code civil, il y a lieu d'apprécier le bien-fondé de la demande en paiement d'une indemnité d'occupation, au regard de l'occupation de la chose indivise ; qu'en effet, il est constant que l'indemnité n'est pas due dès lors que l'occupation de l'immeuble par un indivisaire, n'exclut pas la même utilisation par ses coïndivisaires ; qu'en effet l'occupation doit s'apprécier entre les indivisaires ; qu'en revanche l'indemnité est due en cas de jouissance privative des lieux par un seul des coïndivisaires ; que pour résister à la demande les consorts Y... indiquent en effet que depuis 1977 ils n'ont jamais occupé que le premier étage de l'immeuble indivis, le second étage étant dévolu aux beaux-parents, Lucien et Michelle X... ; qu'ils indiquent que rien n'a été modifié après le placement en maison de retraite de Mme X... Michelle en 1997 ; qu'ils contestent avoir occupé privativement cette immeuble et produisent des attestations (5) de leurs proches étayant leur déclaration ; qu'il appartient à M. Xavier X... qui revendique le bénéfice d'une indemnité d'occupation, de justifier de l'occupation exclusive des lieux par les consorts Y... ainsi que le cas échéant, de la date de celle-ci ; que les seuls éléments qu'il produit à l'appui de ses demandes sont des attestations dactylographiées, quasiment uniformes, aux termes desquelles la famille et ses amis proches de M. Xavier X... témoignent que « seuls les consorts Y... possèdent la clé pour pénétrer dans cet immeuble » ou encore que « la maison située... à Gerbéviller est occupée dans sa totalité par les consorts Y... (Michel et Florent) ainsi que la compagne de Michel Y... » (14) ; que cependant compte tenu de leur forme et leur contenu stéréotypé, elles ne sont pas probantes ; que certes Mme A..., curatrice de Mme X... atteste le 19/ 12. 2012, de l'absence de possession des clés de l'immeuble en litige, tout en faisant état d'une autonomie de sa pupille dans ses déplacements, ce qui ne démontre rien ; que de plus, M. Xavier X... a fait établir et délivrer le 21/ 01/ 2008 une sommation interpellative aux consorts Y... afin d'obtenir la remise de la clé de l'immeuble en litige ainsi que le paiement d'un arriéré d'indemnités d'occupation pour 2007 et pour la période à échoir ; qu'un second acte de même nature a été délivré le 7/ 12/ 2009 par Maître C..., huissier de justice à Nancy, rédigé en des termes identiques si ce n'est le montant de la créance réclamée aux consorts Y... ; qu'il n'en résulte pas la preuve des assertions qu'il contient ; que l'expert Frédéric B... dans son rapport du 20/ 03/ 2006 décrit deux étage distincts constituant l'immeuble sis à Gerbéviller ; que se trouve à chaque étage, une cuisine et une salle de bains ; qu'en réponse à un dire, celui-ci précise que les deux étages peuvent former chacun un appartement F3 ; qu'il est établi par l'appelant la réalisation de travaux de peinture au deuxième étage, selon facture à son nom du 19/ 04/ 1998 ; que ce document ne justifie cependant pas suffisamment, de la qualité en laquelle M. Y... est intervenu pour faire effectuer ces travaux, ni du paiement sur ses deniers de cette facture ; qu'ainsi il n'en résulte pas la preuve de l'occupation exclusive des lieux par les consorts Y... ; qu'enfin il ne résulte pas des conclusions établies le 6/ 11/ 2012 par le conseil des consorts Y..., la preuve que M. Xavier X... ne possédait pas de clés de l'immeuble indivis, lequel n'a qu'un accès par le rez-de-chaussée ; qu'au contraire il y est mentionné que Mme X... qui logeait au deuxième étage avait nécessairement les clés de son logement, conservées jusqu'à son décès dans ses affaires dévolues à son fils ; qu'il y est ajouté que la délivrance de sommation par M. Xavier X... ne vaut pas preuve de ce qui y est affirmé par le mandant, ce qui est validé ; qu'il y est également rappelé que la Cour d'appel dans sa décision du 21/ 02/ 2011 a refusé « la restitution des clés de cet immeuble » en considérant que seules les clés du second étage avaient vocation à être restituées au notaire chargé de la succession ; qu'enfin leur opposition à remettre une clé de l'unique porte d'entrée pour tout l'immeuble s'inscrit dans un contexte contentieux et judiciaire, ce qui légitime cette réponse, sans pouvoir en déduire valablement l'existence d'une occupation exclusive de l'immeuble par les consorts Y... ; que finalement une clé a été remise à Xavier X... le 8/ 01/ 13 ; que M. Xavier X... prétend ainsi qu'est établie la preuve de son impossibilité de pénétrer dans l'immeuble de Gerbéviller jusqu'à cette date en se fondant notamment sur les « aveux » prétendument passés par les consorts Y... dans leurs écritures du 6/ 11/ 2007 ; qu'il y a cependant lieu d'écarter ces assertions, les conclusions visées ne constituant pas des aveux et au demeurant ayant été déposées dans le cadre d'une procédure en référé, distincte de la procédure actuelle ; que par conséquent il ne résulte rien d'autre de la succession de ces faits si ce n'est la preuve de l'opposition des consorts Y... à remettre à M. Xavier X... en personne les clés permettant l'accès à l'immeuble de Gerbéviller dans lequel se situe leur habitation ; que dès lors, il n'est pas par conséquent établi l'existence d'une occupation privative et exclusive de l'immeuble indivis par les consorts Y... ; qu'ainsi la demande portant sur l'allocation d'une indemnité d'occupation formée par M. Xavier X... sera rejetée comme non fondée ; que le jugement déféré sera par conséquent confirmé, en ce qu'il a rejeté la demande portant sur une indemnité d'occupation à l'égard de Michel et Florent Y... ;

1) ALORS QUE l'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité ; qu'en rejetant la demande de M. Xavier X... tendant à ce que ces coindivisaires soient condamnés au paiement d'une indemnité pour l'occupation de l'immeuble de Gerbéviller quand elle avait elle-même constaté l'opposition des co-indivisaires à lui remettre une clé de l'unique porte d'entrée pour tout l'immeuble jusqu'au 8 janvier 2013, ce dont il résultait que ces derniers avaient eu la jouissance privative de l'immeuble, en excluant tout usage de celui-ci par M. Xavier X... qui ne pouvait y pénétrer pour accéder à son deuxième étage, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a ainsi violé l'article 815-9 du Code civil ;

2) ALORS QUE l'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité ; qu'en rejetant la demande de M. Xavier X... tendant à ce que ces coindivisaires soient condamnés au paiement d'une indemnité pour l'occupation de l'immeuble de Gerbéviller sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si postérieurement à la remise de la clé de la porte d'entrée, le 8 janvier 2013, les consorts Y... n'avaient pas voulu continuer à jouir seuls de l'immeuble et exclu toute jouissance de celui-ci par M. Xavier X..., en s'opposant à la mise en locations des espaces inoccupés, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 815-9 du Code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevable la demande formée par M. Xavier X... de condamnation de M. Michel Y... et M. Florent Y... en paiement de dommages et intérêts pour le préjudice subi par feue Michelle X... ;

AUX MOTIFS QU'en application de l'article 31 du code de procédure civile, il y a lieu de constater l'irrecevabilité de la demande en dommages et intérêts formulée par M. Xavier X..., au titre du préjudice prétendument subi par sa mère avant son décès, imputable aux consorts Y... ; qu'en effet, la qualité d'héritier de M. Xavier X..., lui permet certes de revendiquer le bénéfice d'une action née dans le patrimoine de son auteur dont il exercerait les droits ; que cet exercice suppose toutefois que son auteur ait entendu réclamer le bénéfice de cette action à son profit ; qu'en effet, en l'espèce, Mme Michelle X..., mère de Xavier X... et demanderesse à la procédure initiale, assistée de sa curatrice, n'a jamais formulé une telle demande indemnitaire, tant devant le Tribunal de grande instance de Nancy que devant sa Cour d'appel ; que par conséquent, M. Xavier X... sera déclaré irrecevable de ce chef de demande ;

ALORS QUE le droit à réparation des dommages moraux et financiers subis par la victime avant son décès, étant né dans son patrimoine, se transmet à son décès à ses héritiers ; qu'en jugeant néanmoins que la qualité d'héritier de M. X... ne lui permettrait de revendiquer le bénéfice d'une action née dans le patrimoine de son auteur que si ce dernier avait lui-même entendu en réclamer le bénéfice et en relevant que Michelle X..., mère de M. Xavier X... et demanderesse à la procédure initiale, n'avait jamais formulé de demande indemnitaire, tant devant le Tribunal de grande instance de Nancy que devant la Cour d'appel, avant son décès, pour en déduire que l'action de son héritier était irrecevable, la Cour d'appel a violé les articles 724 du Code civil et 31 du Code de procédure civile.

 

Décision attaquée : Cour d'appel de Metz , du 4 novembre 2014

 

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