L'évaluation d'un hôpital, d'une clinique

Publié le 1 Juillet 2016

Le marché immobilier de la santé en France

 

La population française est d’environ 64 millions d’habitants. Elle évoluait en 2012 avec un taux de natalité de 13 naissances pour 1 000 habitants par an et un vieillissement important de la population puisque, selon l’INSEE, la population des plus de 60 ans représentera 32% des français en 2050 contre 22% en 2010.

Ces deux facteurs que sont la natalité et le vieillissement participent à l’augmentation de la consommation de produits de services médicaux en France qui s’accélère en raison d’une diffusion des nouvelles technologies médicales, une population de plus en plus à l’écoute de son bien-être, une augmentation du nombre de maladies chroniques (diabètes, cancers, respiratoires) et une part élevée de la population bénéficiant d’une assurance santé complémentaire (mutuelles).

Les dépenses de santé sont financées à 77 % par l’État avec un déficit de la Sécurité Sociale de l’ordre de 6 md€. En raison de ce déficit, de facto, les contraintes budgétaires actuelles limitent la progression du chiffre d’affaires pour les exploitants qui sont enfermés progressivement depuis 2005 par un mode de financement lié à la tarification à l'activité (T2A) issue de la réforme hospitalière du plan Hôpital 2007. La T2A vise en effet à médicaliser le financement tout en équilibrant l'allocation des ressources financières et en responsabilisant les acteurs de santé. Ce sont à ce jour essentiellement les MCO qui sont impactés par la T2A. Le passage à la T2A en 2017 ne devrait pas avoir d’impact sur les SSR généralistes  car les prix de journée sont relativement faibles, de 95€ à 110 €/jour. Complexe à mettre en œuvre vu le nombre de spécialités concernées en SSR, il n’y aura qu’un impact possible sur les SSR spécialisés (cancérologie, gériatrie, etc.) qui affichent des prix de journée élevés de 280 € à 320 €/jour.

Avec ce contexte social et économique, il n'est donc pas du tout surprenant que, selon l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OECD), l’année 2015 ait connu un record d’investissement avec 1,2 md€ investis.

La croissance des investissements a été de 40 % en 2015 par rapport à 2014.

L’immobilier de santé qui représentait 2.7% de l’immobilier commercial en 2014 représente 4.1% en 2015. Ce marché est valorisé à 29 md€.

Quelques exemples: ICADE SANTE a acheté le portefeuille de 17 cliniques MCO (Médecine, Chirurgie, Obstétrique) de VEDICI-VITALIA pour un montant supérieur à 600 m€. PRIMONIAL achete en S2 2016 le portefeuille GECIMED à GECINA pour 1,35 md€ et a acheté pour 300 m€ le portefeuille santé de la FONCIÈRE DES MURS. Au sein des opérateurs de MCO et de SSR, le rachat par RAMSAY de GÉNÉRALE DE SANTÉ a créé un leader avec un CA de 2,2 md€ pour environ 20 000 lits. La fusion VEDICI et VITALIA en novembre 2015 a créé ELSAN, second acteur avec environ 11 000 lits. Au sein des opérateurs de la dépendance, le leader KORIAN est talonné par ORPÉA qui bénéficie de sa politique d’acquisition très active à l’étranger. Ces deux acteurs comptent chacun environ 70 000 lits pour des CA atteignant 2,5 md€.

Le secteur immobilier de la santé est arrivé à son équilibre entre le volume issu des transactions et la demande d’externalisation (sale & lease back) des actifs détenus par les opérateurs d’établissements de santé. Ce développement est nettement favorisé par la forte compression des taux en 2015 et lors du S1 2016 en particulier sur les ventes de portefeuilles dans des fourchettes comprises entre : 4.25 - 4.50% taux prime Ehpad hors Paris hors LMP/LMNP - 5.00 - 5.5.% taux prime SSR et PSY hors Paris - 5.25 - 5.50% taux prime MCO hors Paris.

Le marché des EHPAD en France est stabilisé. Il n’y a plus de création de nouveaux lits. Les opportunités sont majoritairement présentes sur le marché secondaire. Le nombre de lits est supervisé par l’ARS (Association Régionale de Santé). L’extension des structures déjà existantes ne peut se faire qu’avec l’autorisation de l’ARS.

L'hospitalisation privée représentait en 2013 plus d'un tiers de l'offre de soins des établissements de médecine-chirurgie-obstétrique en France avec notamment plus de 50 % de la chirurgie.

Les quelques 1 100 cliniques et hôpitaux privés de France sont des PME locales, parfois réunies dans des ensembles régionaux, ou des filiales de groupes nationaux. Ce sont des entreprises en concurrence sur un marché extrêmement réglementé puisque ses acteurs n'ont ni la liberté d'installation ni le choix des activités et encore moins celui de fixer leurs prix : 80 % à 90 % de leur chiffre d'affaires est versé par l'Assurance-maladie sur la base d'une grille tarifaire.

 

Le secteur de la réadaptation SSR (Soins de Suite et Réadaptation)

 

Les SSR sont un important secteur qui accueille des séances de réadaptation postopératoire. La création de complexes de soins de santé qui intègrent les activités de SSR ainsi que d’autres activités est une stratégie répandue parmi les opérateurs pour créer des synergies, sources d’optimisation de leur rentabilité.

Régulé par les ARS qui délivrent les autorisations, les SSR sont publics à 41%, privés non lucratifs à 30% et commerciaux à 29% (900 000 patients en moyenne en 2012 avec une durée de séjour d’environ 1 mois).

Le raccourcissement de la Durée Moyenne des Séjours (DMS) poussent les patients des cliniques MCO vers les cliniques SSR.

Le chiffre d’affaires d’une clinique SSR se segmente en deux :

- Pour 95% : Prix de journées ou assimilés (pas encore passé à la T2A- tarification à l’activité) + CA hôtelier (chambres particulières, TV, tél. etc.)

- Pour 5% : Redevances des praticiens - Locations immobilières (activité « consultation » des praticiens - Subventions (éventuelles)

 

Les coûts de construction

 

L’Observatoire des Surfaces et Coûts Immobiliers en Établissements de Santé (OSCIMES) a présenté en mai 2016 les nouveaux coûts de construction au m² pour les secteurs publics et médico-sociaux. Ces résultats sont actualisés au dernier indice BT01 connu de décembre 2015.

Dans le secteur sanitaire: Sur 69 opérations référencées de l’hôpital général à des opérations de plateaux techniques ou de logistique hospitalière spécifique, 12 concernent des opérations de rénovation de bâtiments existants. 54 montages juridiques sont en Maîtrise d’Ouvrage Publique Classique[1] (MOP), 15 en Conception-Réalisation.

Coût de construction, hors aménagements extérieurs, parking et voirie, réseaux divers (VRD) / m² SDO HT:

- Pour un hôpital général MCO public, le coût de construction moyen pour les surfaces dans œuvre[2] (SDO) est en MOP classique de 1 810 € dans une fourchette allant de 1 379 € à 2 146 €. En conception-réalisation, la moyenne est à 1 745 € dans une fourchette allant de 1 447 € à 1 951 €.

- Pour les plateaux techniques, tous montages juridiques confondus, le coût travaux est de 1 755 € dans une fourchette de 1 591 € à 2 016 €.

 

Dans le secteur médico-social: 20 opérations concernent des EHPAD pour 80% en constructions neuves et pour 20% en rénovation de l’existant avec extensions intégrant des restructurations de bâtiments existants. 75% des montages juridiques sont en MOP.

- Le coût de construction moyen en € HT, hors aménagements extérieurs, parking et voirie, réseaux divers (VRD), est de 1 263 € tout statut d’établissement confondu dans une fourchette de 1 118 € à 1 593 €.

- Tous statuts d’établissements confondus publics ou privés, en loi MOP classique, le prix moyen est à 1 227 € dans une fourchette de 1 116 € à 1 631 €. En conception-réalisation, le coût travaux moyen est de 1 311 € HT/m² dans une fourchette de 1 245 € à 1 533 €.

 

Les règles pour la TVA dans les établissements privés

 

Les Établissements commerciaux sont assujettis à la TVA hors des recettes et dépenses représentatives de l'activité de soin. Ainsi, les dépenses relatives aux soins des résidents et à leurs repas couverts par un forfait annuel global sont exonérées de la TVA.

Une TVA est appliquée pour les recettes en matière de dépendance et d'hébergement et cette TVA est récupérable sur les dépenses de fonctionnement et d'investissement.

Le taux très réduit de 2,1% concerne les médicaments.

Le taux réduit de 5,5% vise certaines recettes représentatives de la fourniture de logement, de nourriture ou de prestations exclusivement liées à l'état de dépendance des personnes âgées. Il s'applique également aux dépenses de restauration, d'hygiène, de ménage, de blanchisserie, d'eau et d'énergie.

Le taux intermédiaire de 7% est attribué à certaines dépenses très faibles, comme les repas du personnel, et aux dépenses de construction et de rénovation dans le cadre du dispositif LASM (pour livraison à soi-même), à condition de non lucrativité et d'un plafond de ressources des résidents.

Enfin, certains services en sus (téléviseur, téléphone) relèvent d'un taux normal de 20%.

 

Comment évaluer un immobilier de santé ?

 

Il s'agit d'un immobilier d'exploitation. Citons les méthodes les plus courantes.

 

La méthode par l’EBITDAR

 

L’EBITDAR (Earnings Before Interest, Taxes, Depreciation, Amortization and Rent) se calcule à partir du CA auquel on enlève les charges d’exploitation hors charges financières, charges fiscales, dépréciation du stock, dépréciation des immobilisations et les divers loyers.

C’est l’indicateur de rentabilité opérationnelle à court terme de l’entreprise.

Cette approche s’adapte bien à des murs qui sont spécifiquement adossés à une exploitation (clinique, maison de retraite, hôtel, etc.).

Parce que l’EBITDAR rémunère les murs et le fonds de commerce, cette approche permet de tenir compte de la réalité des performances de l’exploitant pour définir la contribution de l’exploitation à la part de l’immobilier.

 

Le loyer net de charges, appelé « loyer normatif » peut être estimé :

- à partir d’un taux d’effort du CA de la société exploitante,

- à partir de l’EBITDAR, loyer chargé ou loyer net de charges.

C’est l’EBITDAR qui conditionne le taux d’effort admissible pour le loyer immobilier.

 

  • Analyse du CA (ou précisément du CATI) et/ou de l’EBITDAR
  • Choix d’un taux d’effort sur le CA ou sur l’EBITDAR
  • Détermination du loyer « normatif » correspondant

 

Une fois le loyer normatif déterminé, il est confronté au loyer « contractuel » afin de vérifier sa cohérence et sa pertinence.

  • Loyer immobilier « contractuel » communiqué
  • Application d’un taux de rendement au loyer normatif et comparaison avec le taux de rendement au loyer contractuel
  • Détermination de la valeur vénale de l’actif

 

La méthode par capitalisation des revenus

 

C’est une application d’un taux de rendement au loyer en cours ou au loyer normatif (valeur locative). On obtient une valeur « acte en mains » (droits inclus).

Cette approche ne prend pas en compte la vacance, le risque d’exploitation, le renouvellement des baux, les aménagements locatifs, l’évolution du taux d’effort, etc.

Le taux de rendement prend en compte les points suivants :

  • Les caractéristiques physiques (par rapport aux standards actuels, à l’obsolescence) du bien, sa localisation, l’état des bâtiments
  • La rentabilité financière
  • L’écart entre le loyer normatif déterminé et l’appréciation du loyer de marché
  • Les caractéristiques du bail en cours (bail soumis à TVA ou à CRL, toutes charges au preneur (sous réserve de la loi Pinel)
  • Les caractéristiques du locataire, réputation de l’exploitant, la signature de l’exploitant, les garanties proposées
  • La fin du bail.

 

La méthode par le DCF

 

Cette approche est une projection des flux sur une durée définie entre 5 à 10 ans (flux des loyers, coûts / charges et valeur de sortie) et une actualisation de ces flux.

Cette méthode permet de mieux prendre en compte les risques et le potentiel de création de valeurs.

L’approche DCF est généralement moins valorisante que celle par capitalisation.

 

Les ratios financiers utilisés actuellement en SSR

 

Les marges d’EBITDAR sont variables en fonction des business model et des spécialités propres à chaque SSR. Par exemple, en S1 2015, le groupe NOBLE ÂGE en SSR déclarait 19% de marge d’EBITDAR. NOBLE ÂGE avait en 2015 un objectif de marge EBITDAR de 27,5% pour les établissements EHPAD en rythme de croisière.

 

Taux d’effort sur CA

Taux d’effort sur EBITDAR

 

Dans le secteur de la santé, il est observé en France des rendements entre 6 et 7% (6,4% en moyenne en SSR et PSY) avec une durée de baux commerciaux entre 10 à 15 ans dans une moyenne de 12 ans. Cependant, s’il existe un potentiel d’investissement immobilier certain, en dehors des maisons de retraite, dans le financement des structures hospitalières existantes ou nouvelles, une certaine prudence est conseillée sur le niveau des rendements moyens du secteur immobilier de la santé attendu à la baisse.

 

En résumé, l'immobilier de santé est un immeuble monovalent qui s'appréhende en immobilier d'exploitation nécessitant des compétences financières, comptables, juridiques, marketing et une bonne compréhension du secteur et du business model.

 

Nous sommes à votre disposition pour intervenir

en évaluation de la valeur vénale ou locative de ce type d'investissement.

 

N'hésitez pas à prendre contact avec nous 

pour un conseil, une étude ou une aide 

 

[1] C'est-à-dire avec un marché conception/maîtrise d’oeuvre séparé du marché de travaux.

[2] La surface dans œuvre est la somme des surfaces de plancher de chaque niveau de construction calculée à partir du nu intérieur des façades et structures porteuses, y compris les galeries de liaison fermées reliant des bâtiments entre eux et les locaux techniques.

 

[1] sale & lease back.

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