Estimation des hôtels
Publié le 1 Octobre 2019
Les hôtels sont régis par l'article R 145-10 du Code de commerce qui dispose que le prix du bail des locaux construits en vue d’une seule utilisation [les locaux monovalents] peut, par dérogation aux articles L 145-33 et R 145-3 et suivants, être déterminé selon les usages observés dans la branche d’activité considérée.
S’applique également aux hôtels, l'ordonnance n°2004-1391 du 20/12/2004 modifiant les rapports entre bailleurs et locataires des immeubles affectés à l’hôtellerie : les travaux réalisés par le locataire ne peuvent être pris en compte pour augmenter le loyer qu'au bout de 12 ans à compter de leur achèvement (art. L 311-4 du Code du tourisme)
Un classement des hôtels qui s’échelonne de 1 à 5 étoiles dont les palaces
Depuis la Loi du 22 juillet 2009 de développement et de modernisation des services touristiques (Loi Hervé Novelli), une nouvelle classification a été mise en application le 23 juillet 2012.
On distingue 5 types d’établissements répondant à des critères mis en place par Atout France. Un arrêté ministériel du 8 novembre 2010 a instauré le label « palace » décerné à ce jour à 23 établissements à Paris, Courchevel, Côte d’Azur, Bordeaux et St Barth Isle de France.
Une méthode hôtelière mise à l’épreuve par les contraintes du marché
La méthode hôtelière fait partie des usages de la profession que la jurisprudence fait évoluer.
En novembre 2000, la Cour d’appel de Paris estimait qu’il n’y avait que la méthode hôtelière pour procéder à la fixation du loyer (CA Paris, 16 ème Ch. B, 10 novembre 2000, BAIL INVESTISSEMENT c/ HOTEL WALDORF MADELEINE (sur appel du TGI de Paris Baux commerciaux, 16 juillet 1999). La Cour avait écarté la méthode du RevPAR préconisée par l’expert qui, selon la Cour, reposait sur des données statistiques encore incertaines et aléatoires dans leur transposition au marché français et sur des données concernant principalement les hôtels spécifiquement "de chaînes". La Cour écartait de même la méthode immobilière qui met l’accent sur une rentabilisation des surfaces fixée sur une base comparable à une valeur locative d’habitation, et ce en l’absence de comparaison possible. Dans les années 1950-2000, le loyer des hôtels était fixé le plus souvent selon la méthode hôtelière recoupée le cas échéant par la méthode à l’unité chambre. Dans le cadre de la fixation du loyer de l’Hôtel Waldorf Madeleine, le Tribunal puis la Cour avaient été saisis d’un rapport d’expertise qui avait retenu à titre principal la méthode du REVPAR pour apprécier la valeur locative. Le bailleur avait fait grief au Tribunal d’avoir retenu la méthode "hôtelière", en faisant valoir qu’il demandait que soit appliquée la méthode immobilière. Comme d’autres décisions l’avaient fait auparavant, la Cour de Paris avait estimé que ni la méthode REVPAR, ni la méthode immobilière préconisée par la bailleresse ne pouvait être retenue. Cette dernière était fondée sur le m² locatif à usage d’habitation et donc sur la rentabilisation de surfaces dont la gestion est totalement différente de celle d’une exploitation hôtelière où l’exploitant doit faire face pour la totalité de l’immeuble à des dépenses importantes qui relèvent, soit de la mise en conformité des lieux loués (où les obligations sont beaucoup plus lourdes que pour un immeuble à usage d’habitation), soit de l’entretien de l’immeuble incluant le plus souvent, selon les usages en la matière, le ravalement des façades. Seules les grosses réparations relevant de l’article 606 du Code civil sont à la charge du bailleur, sauf convention contraire. Même si l’on dispose d’éléments de recoupement concernant les locations à usage bourgeois, et si certaines exploitations peuvent, en raison de la date d’édification de l’immeuble, présenter certaines analogies avec des locaux à usage d’habitation, il n’en demeure pas moins que la disparité exige l’application d’un abattement plus ou moins important qui recoupe alors la méthode dite "hôtelière". S’agissant d’une exploitation hôtelière placée en catégorie 4-étoiles, à la suite d’importants travaux réalisés par le preneur au cours du bail expiré et à proximité de la Madeleine à Paris, la Cour a apprécié la valeur locative selon les paramètres suivants : Recette théorique annuelle hors TVA avec un abattement de 25 % pour segmentation de clientèle - Coefficient d’occupation : 70 % - Pourcentage sur recettes : 13 % - Charges exorbitantes de droit commun (impôt foncier et prise en charge des travaux de réfection de couverture par le preneur) : 15.000 F plus abattement de 10 %.
Pour ce qui concerne les travaux importants réalisés par le preneur ayant permis le passage de l’hôtel de la catégorie 3 à 4 étoiles, le Tribunal avait retenu un abattement forfaitaire de 40 % sur la valeur locative selon la méthode habituelle. Mais faisant une application stricte de l’article 2 de la loi du 1er juillet 1964, la Cour estima que la notification prévue n’a de sens que si elle est préalable. Dès lors, elle refusa tout abattement au titre des travaux réalisés, conséquence particulièrement lourde pour le preneur qui, selon l’expert, aurait pu prétendre à une réduction forfaitaire de 40 %.
Cet arrêt Waldorf de novembre 2000 rejette la méthode du RevPAR (revenue per available room).
Le RevPAR ou revenu moyen par chambre disponible reflète le chiffre d’affaires hébergement ramené à la chambre disponible. Il s’obtient en multipliant le taux d’occupation (TO) par la recette moyenne par chambre louée (RMC). Le RMC est le prix réel de vente d’une chambre, en moyenne, tenant compte des déductions et des remises.
L’arrêt Waldorf confirme une application stricte du formalisme des articles L 311-2 et suivant du Code du tourisme.
L’abattement pour le preneur sur la valeur locative au titre des travaux effectués par lui-même n’est recevable que si le bailleur a été notifié de l’intention du preneur d’effectuer des travaux en joignant un plan d’exécution, un devis descriptif et estimatif et si le bailleur a autorisé les travaux.
L’arrêt Waldorf de novembre 2000 consacre la méthode hôtelière, et pourtant dans les années 2000 commençaient à se faire sentir les remises accordées aux voyagistes et aux tours operators. Cette influence s’est accrue avec Internet et le phénomène Airbnb. Le management hôtelier a dû composer avec une tarification flexible imposée par les nouveaux canaux de distribution.
Le jugement du TGI de Paris du 23/06/2015 FOURDRAINE c/ SARL SUITE HOTEL RG n° 12/15303 est très intéressant car le juge des loyers du TGI de Paris en 2015 se réfère aux prix praticables de source statistique et non aux prix affichés.
« Depuis l’utilisation généralisée d’Internet et des sites de réservation par Internet, les prix des chambres sont extrêmement fluctuants [et] sont extrêmement éloignés des prix affichés au sein des hôtels, de sorte que la notion de « prix affichés » devient extrêmement difficile à cerner. S’il est effectivement critiquable de cumuler les remises faites à la clientèle qui s’adresse directement à l’hôtel et les commissions versées aux sites de réservation via Internet, face à des prix affichés très incertains, il apparaît moins hasardeux de s’appuyer sur les études réalisées d’une part par la société N…, d’autre part par le société Y…, lesquels aboutissent respectivement pour un hôtel 3 étoiles standard à des prix moyens de chambre de …. € à …. € TTC ».
On notera dans ce jugement que le magistrat critique l'expert pour avoir fait un cumul des abattements de 20% en raison des commissions sur Internet et des remises à la clientèle alors qu'il fait lui-même un cumul de l'abattement pour l'impôt foncier et des 8% au titre des gros travaux et assurances à la charge du preneur.
L’évolution de la méthode hôtelière en raison de la tarification flexible
La méthode hôtelière est fondée sur la correspondance entre la catégorie et la localisation de l'établissement avec la quote-part du chiffre d'affaires que représente un loyer supportable pour l'exploitant.
Autrement dit, on détermine un pourcentage de la recette annuelle de l’hôtelier devant revenir au propriétaire des murs.
Dans la méthode hôtelière classique, les évaluations se faisaient de manière statique.
On partait de la recette théorique hors taxe et hors services en tenant compte du taux d'occupation et des rabais accordés par le commerce des chambres en ligne. Ce "CA théorique annuel" était le produit du nombre de chambres, par le prix de journée, par le taux d'occupation. La valeur locative était déterminée en appliquant à la recette hébergement annuelle un pourcentage variable suivant la catégorie de l’hôtel et sa situation géographique pour tenir compte des charges d'exploitation de l'établissement, de la qualité de l'immeuble et de sa situation. Les pourcentages étaient d'autant plus importants que l'hôtel et la situation étaient modestes. L'expert effectuait des correctifs en fonction des charges exorbitantes supportées par le locataire et des travaux réalisés suivant la nature des travaux.
Avec une clientèle allant au plus offrant (best available rate) et un management hôtelier pilotant sa tarification à vue (yelding) pour être le plus flexible possible afin de préserver son taux d’occupation face à la concurrence, l’expert doit, surtout pour estimer la valeur d’un patrimoine hôtelier de façon dynamique, se référer à des sources documentaires qui tiennent compte de l’emplacement, de la gamme, de la taille des chambres et du niveau des prestations pour déterminer la recette théorique annuelle hébergement HT, le taux d’occupation (TO) ainsi que le taux de prélèvement ou taux de recette à appliquer sur la recette hébergement suivant la catégorie de l’hôtel.
La valeur locative est à présent le produit entre le nombre de chambres, le prix moyen annuel de location de chambres pour des hôtels de même catégorie et le taux d’occupation moyen des trois dernières années pour des hôtels de même catégorie. Un abattement est à appliquer pour les travaux d’amélioration effectués aux seuls frais de l’exploitant.
La méthode dynamique intègre le potentiel de développement de l’exploitation hôtelière. L’utilisation d’une projection de cash flow sur la base des performances réalisées et prévisionnelles permet de dégager les cash flow qui par les taux d’actualisation et les taux de capitalisation permettent de calculer la valeur murs et fonds ou individuellement d’un hôtel.
A noter que depuis la Loi Pinel et son décret de novembre 2014, le bailleur ne peut plus imputer sur le preneur les grosses réparations de l'art. 606 CC, ni les travaux prescrits par l'Administration se rapportant à l'art 606 CC, ni les travaux de mises aux normes PMR touchant la structure de l'immeuble.
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