La réforme du droit des contrats (3)

Publié le 1 Septembre 2017

LES VICES DU CONSENTEMENT

Le dol

consiste à « obtenir » le consentement d’autrui « par des manœuvres ou des mensonges » ou par une « dissimulation intentionnelle». L’article 1137 dispose qu’il est le fait « d’un contractant » d’obtenir le consentement de l’autre par des manœuvres ou des mensonges.

Or, le dol est bien un comportement pré-contractuel d’une personne cherchant à devenir contractant (c’est le dol de l’offrant ou du destinataire d’une offre) ou d’une personne qui, en toute hypothèse, restera étrangère à la convention recherchée (c’est le dol du tiers de l’article 1138 sanctionnant le dol du représentant, du gérant d’affaires, du préposé, du portefort du contractant ou du tiers de connivence).

La réticence dolosive consiste, pour son auteur, à taire volontairement « une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie » (art. 1137, al. 2).

Le nouvel article 1130 prévoit que le dol vicie le consentement lorsqu’il est de telle nature que, sans lui, la partie trompée n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.

La violence

L’article 1143 dispose que l’abus de l’état de dépendance constitue une violence. Il y a violence lorsqu’une partie, abusant de l’état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant, obtient de lui un engagement qu’il n’aurait pas souscrit en l’absence d’une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif.

L’état de dépendance se caractérise par l’état de nécessité, l’extrême vulnérabilité ou la dépendance économique reconnue en 2000 (Cass. 1re civ., 30 mai 2000, n° 98-15242 : Bull. n° 169).

 

LA FIXATION UNILATÉRALE DU PRIX

Dans les contrats cadre, l’article 1164 autorise les parties à stipuler que l’une d’elles pourra fixer unilatéralement le prix, à charge pour elle d’en motiver le montant en cas de contestation.

L’article 1165 prévoit que dans les contrats de prestation de service, à défaut d’accord des parties avant leur exécution, le prix peut être fixé par le créancier, à charge pour lui d’en motiver le montant en cas de contestation. L’autre partie ne peut que solliciter des dommages et intérêts en cas d’abus, et non la fixation judiciaire du prix.

L’article 1223 permet au créancier, après mise en demeure, d’accepter une exécution imparfaite du contrat et solliciter une réduction proportionnelle du prix. S’il n’a pas encore payé, le créancier notifie sa décision de réduire le prix dans les meilleurs délais.

 

SANCTION: NULLITÉ ET CADUCITÉ

La théorie moderne des nullités est consacrée à l’article 1179, sans que soit résolue la frontière entre l’intérêt général et l’intérêt privé comme fondements respectifs des nullités absolue et relative.

L’article 1178 maintient la nullité judiciaire. Un contrat qui ne remplit pas les conditions requises pour sa validité est nul. La nullité doit être prononcée par le juge, à moins que les parties ne la constatent d’un commun accord. Le contrat annulé est censé n’avoir jamais existé » (art. 1178, al.2).

L’article 1183 donne à l’une des parties une action interrogatoire destinée à sécuriser les contrats. Une partie peut demander par écrit à celle qui pourrait se prévaloir de la nullité soit de confirmer le contrat soit d’agir en nullité dans un délai de six mois à peine de forclusion. La cause de nullité doit avoir cessé.

L’article 1186 alinéa 1er prévoit que le contrat valablement formé devient caduc si l’un de ses éléments essentiels disparaît. L’article 1186 al. 2 consacre l’interdépendance dans les ensembles contractuels qui peut, à certaines conditions posées à l’alinéa 2, emporter la caducité d’un contrat dont l’exécution est rendue impossible par la disparition d’un autre ayant primauté sur lui.

 

RÉSOLUTION - RÉDUCTION DU PRIX

L’article 1224 rappelle la voie conventionnelle et la voie judiciaire pour que le contrat soit résolu et consacre la résolution unilatérale, le créancier se voyant reconnaître la faculté, en cas d’inexécution suffisamment grave et après une mise en demeure restée infructueuse, de résoudre le contrat à ses risques et périls par simple notification au débiteur (art. 1226). Le texte vient codifier une jurisprudence acquise depuis Cass. 1re civ., 13 oct. 1998, n° 96-21485 : Bull. civ. I, n° 300 (cette gravité n’est pas nécessairement exclusive d’un délai de préavis).

L’article 1229 vise les effets de la résolution en fixant la date à laquelle ces effets se produisent.

Lorsque les prestations échangées ne pouvaient trouver leur utilité que par l'exécution complète du contrat résolu, les parties doivent restituer l'intégralité de ce qu'elles se sont procuré l'une à l'autre.

Lorsque les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l'exécution réciproque du contrat, il n'y a pas lieu à restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n'ayant pas reçu sa contrepartie ; dans ce cas, la résolution est qualifiée de résiliation.

L’article 1223 donne la possibilité pour le créancier, en cas d’exécution imparfaite du contrat, de solliciter une réduction proportionnelle du prix. Par contre, lorsque le créancier n’a pas encore payé le prix, il notifie sa décision de réduire le prix dans les meilleurs délais.

 

Les sanctions de l'inexécution du contrat : exception d'inexécution / exécution forcée

Les articles 1217 et suivants exposent les remèdes à l’inexécution contractuelle : l’exception d’inexécution par le refus d’exécuter ou la suspension de l’exécution de sa propre obligation, l’exécution forcée en nature de l’obligation, la réduction du prix, la résolution du contrat, la réparation du préjudice résultant des conséquences de l’inexécution du contrat.

Une définition de la force majeure est donnée à l’article 1218. On ne parle plus d’extériorité, d’imprévisibilité et d’irrésistibilité mais d’imprévisibilité, d’inévitabilité et d’insurmontabilité. Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu'un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l'exécution de son obligation par le débiteur.

L’article 1218 al. 2 introduit une résolution de plein droit. Si l'empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1.

L’exception pour inexécution à l’article 1219 est subordonnée à ce que l’inexécution par l’autre partie soit suffisamment grave.

L’exception pour risque d’inexécution est autorisée lorsque celle-ci est prévisible (art. 1220).

L’exécution forcée en nature est donnée au créancier après mise en demeure sauf si cette exécution est impossible ou s’il existe une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur et son intérêt pour le créancier (art. 1221).

Après mise en demeure, le créancier peut dans un délai et à un coût raisonnable, faire exécuter lui-même l'obligation par un tiers ou, sur autorisation préalable du juge, détruire ce qui a été fait en violation de celle-ci. Il peut demander au débiteur le remboursement des sommes engagées à cette fin. Il n’y a plus besoin d’autorisation judiciaire préalable. Le créancier peut aussi demander en justice que le débiteur avance les sommes nécessaires à cette exécution ou à cette destruction (art. 1222).

L’article 1223 peut s’analyser comme résolution partielle du contrat inexécuté. La sanction, ne peut être mise en œuvre qu’après mise en demeure du débiteur. Le créancier peut solliciter une réduction proportionnelle du prix. La loi autorise la réduction unilatérale lorsque le prix n’a pas encore été payé. Le créancier notifie alors sa décision de réduire le prix dans les meilleurs délais (art. 1223 al. 2)

 

EXÉCUTION DU CONTRAT

L’interprétation du contrat : la recherche de l’intention commune

Le contrat s’interprète d’après la commune intention des parties plutôt qu’en s’arrêtant au sens littéral de ses termes. Lorsque l’intention n’est pas décelable, le contrat s’interprète alors selon le sens qui lui donnerait une personne raisonnable placée dans la même situation (art. 1188 al.2)

Contrat de gré à gré et d’adhésion.

Dans le doute, le contrat de gré à gré s'interprète contre le créancier et en faveur du débiteur, et le contrat d'adhésion contre celui qui l'a proposé (art. 1190)

 

LES EFFETS DU CONTRAT ENTRE LES PARTIES

 

La force obligatoire

Le principe de la force obligatoire ne figure pas au titre des effets du contrat entre les parties, mais dans les dispositions liminaires (art. 1103).

L’intangibilité du contrat est consacrée à l’art. 1193 qui dispose que les contrats ne peuvent être modifiés ou révoqués que du consentement mutuel des parties, ou pour les causes que la loi autorise.

La réforme consacre le transfert translatif de propriété comme un effet du contrat et non comme l’exécution d’une obligation (art. 1196). Dans les contrats ayant pour objet l'aliénation de la propriété ou la cession d'un autre droit, le transfert s'opère lors de la conclusion du contrat. Toutefois, ce transfert peut être différé par la volonté des parties, la nature des choses ou l’effet de la loi (art. 1196 al. 2).

Suivant l’adage res perit domino, le transfert de propriété emporte transfert des risques de la chose (art. 1196).

 

Les effets du contrat à l’égard des tiers

L’effet relatif du contrat est consacré par l’article 1199 qui dispose que le contrat ne crée d’obligation qu’entre les parties. Il est opposable aux tiers qui doivent respecter la situation juridique créée par le contrat (art. 1200). Les tiers ne peuvent ni demander l'exécution du contrat, ni se voir contraints de l'exécuter (art. 1199 al 2).

L’article 1201 donne une définition de la contre lettre. C’est un contrat apparent qui dissimule un contrat occulte qui  produit des effets entre les parties. Il n’est pas opposable aux tiers mais les tiers peuvent s’en prévaloir.

 

Le porte-fort et la stipulation pour autrui

Le promettant s’engage pour lui-même (art. 1203) et l’article 1204 reconnait le porte-fort d’exécution (art. 1204 al 1) et le porte-fort de ratification (art. 1204, al. 3).

La libération du promettant se fait lorsque le tiers accomplit le fait promis ce qui exonère  le promettant du risque de dommages et intérêts s’il ne s’était pas exécuté (art. 1204, al. 2).

Lorsque le porte-fort a pour objet la ratification d’un engagement, celui-ci est rétroactivement validé à la date à laquelle le porte-fort a été souscrit (art. 1204, al. 3).

 

LA DURÉE DU CONTRAT

Les engagements perpétuels sont prohibés à l’article 1210 qui dispose que chaque contractant peut y mettre fin dans les conditions prévues pour le contrat à durée indéterminée » (art. 1210 al 2).

Le contractant exerçant son droit de résiliation unilatérale d’un contrat à durée indéterminée doit « respecter le délai de préavis contractuellement prévu ou, à défaut, un délai raisonnable (art. 1211).

 

LES CLAUSES ABUSIVES

L'intangibilité du contrat n'existe plus pour les contrats d’adhésion.

C’est l’un des apports majeurs de la réforme du droit des contrats qui instaure un contrôle des clauses abusives qui existait déjà en droit de la consommation ou en droit commercial

La réforme fait à l’article 1110 une distinction entre les contrats d’adhésion dont les conditions  générales sont soustraites à la négociation et les contrats de gré à gré qui sont entièrement négociés. La règle s’inspire de l’article L. 132-1 du Code de la consommation et se distingue, sur ce point, de l’article L. 442-6, I,  2° du Code de commerce.

 

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