L'estimation dans la reconstitution de la masse : calculs de la masse successorale et de la quotité disponible
Publié le 9 Avril 2025
Principe de la valeur fictive et du calcul de la masse
Calcul de la valeur fictive
Conformément à l’article 922 du code civil, après avoir déterminé les biens existants au jour du décès et en avoir déduit le passif, le Notaire chargé de faire les comptes, la liquidation et le partage de la succession doit ajouter les biens donnés par le défunt.
Cette opération de réunion fictive des libéralités a pour objectif de vérifier que les libéralités consenties par le défunt n’excèdent pas la quotité disponible et n’empiètent pas sur la réserve.
Il s’agit d’une simple opération comptable.
Les biens donnés restant la propriété du donataire, il n’y a pas de réunion en nature des biens donnés.
L’évaluation des libéralités pour la réunion fictive : art. 922 CC
La réunion fictive n’a pas pour effet de remettre en cause la propriété des biens donnés mais de voir si le défunt s’est dessaisi d’une partie de son patrimoine, au-delà de la quotité disponible.
L’article 922 du code civil pose le principe de l’évaluation des libéralités qui doivent être fictivement réunies à la masse de calcul pour déterminer la valeur de la réserve héréditaire et de la quotité disponible.
Ces biens doivent être évalués, après qu’en ont été déduites les dettes ou les charges les grevant ,
- d’après leur état à l’époque de la donation,
- et à leur valeur à l’ouverture de la succession.
Cette valeur sera incluse à la masse.
Lorsque le bien appartient toujours au donataire au jour du décès du donateur ?
Cela arrive souvent pour les biens de famille…Dans ce cas, il faut déterminer :
- quel était l’état du bien au jour de la donation ?
- quelle est la valeur du bien, selon cet état, au jour de la succession ?
Les améliorations ou détériorations du bien donné, qu’elles soient ou non imputables au donataire, n’ont pas d’influence sur le patrimoine successoral. Ainsi la masse de calcul ne bénéficie pas des améliorations du bien dont le donataire est à l’origine mais ne subit pas non plus la diminution de la valeur dont ce donataire serait responsable.
La masse de calcul ne pâtit pas ou ne bénéficie pas des modifications qui adviendraient sur le bien entre le jour du décès et le jour du partage de la succession.
Cette méthode d’évaluation permet de reconstituer la valeur du patrimoine successoral telle qu’elle aurait été en l’absence de toute donation.
Calcul de la réserve et de la quotité disponible
La réserve héréditaire permet de réserver aux héritiers réservataires, une quote-part des biens du défunt dont il ne pouvait pas disposer librement.
La quotité disponible correspond à la part du patrimoine que le défunt pouvait donner ou léguer librement.
L’article 912 du Code civil définit ces deux notions.
La réserve héréditaire est la partie de la succession dont le défunt ne pouvait pas librement disposer par libéralités.
Afin de la préserver, le législateur a mis en place le mécanisme de la réduction des donations et des legs.
Le mécanisme de la réduction
Une fois que ces quotes-parts (réserve et quotité disponible) sont déterminées, le Notaire vérifie si les libéralités consenties par le défunt dépassent la quotité disponible et portent atteinte à la réserve héréditaire.
Pour ce faire, elles sont imputées puis, en cas de dépassement, réduites.
L’imputation correspond à affecter une libéralité, soit à la quotité disponible soit à la réserve.
Les libéralités qui ne pourront s’imputer sur la quotité disponible et qui portent atteinte à la réserve des héritiers peuvent faire l’objet d’une action en réduction.
L’affectation de l’imputation dépend de l’objectif de la libéralité :
- elle s’imputera sur la réserve s’il ne s’agit que de procéder à une avance sur succession,
- elle s’imputera sur la quotité disponible s’il s’agit d’avantager le gratifié.
Les libéralités en avancement de part successorale ou d'hoirie
Ces libéralités s’imputent par principe sur la réserve de l’héritier gratifié qui a accepté la succession.
Afin de savoir si une libéralité est consentie en avancement de part successorale, on distingue (article 843 du Code civil) :
- les donations consenties à un héritier réservataire présumées en avancement de part successorale. Sauf stipulation expresse contraire, elles s’imputent sur la réserve du gratifié,
- les legs faits à un héritier réservataire ne s’imputant sur la réserve que si le testateur l’a expressément prévu.
Les libéralités hors part successorale
Le défunt peut disposer de la quotité disponible au profit d’un héritier réservataire ou d’un tiers.
En cas de libéralité consentie à un héritier réservataire, cette libéralité s’impute sur la quotité disponible et l’héritier recevra en plus de sa réserve (article 843 du Code civil) les donations consenties hors part successorale à condition que ce soit expressément énoncé par le donateur et les legs consentis présumés être hors part successorale.
Les libéralités qui empiètent sur la réserve héréditaire peuvent être réduites par l’action en réduction.
La réduction des libéralités consenties par le défunt permet de protéger la réserve héréditaire.
Les libéralités sont diminuées à hauteur du dépassement de la quotité disponible.
En application de l’article 924 du Code civil, le gratifié doit indemniser les héritiers réservataires à concurrence de la portion excessive de la libéralité.
En principe, le paiement de la réduction se fait en valeur, mais il peut se faire en nature à la demande du gratifié redevable de la réduction.
L’indemnité de réduction ainsi due par les héritiers qui ont trop reçu fait partie de la masse à partager et sera partagée entre les héritiers.
La masse à partager
Une fois le contrôle par la réunion fictive effectué pour vérifier si les libéralités ont empiété sur la réserve, le Notaire procéde au partage du patrimoine du défunt entre les héritiers.
Les biens composant la masse à partager
La masse est composée des biens existants du défunt auxquels s’ajoutent les indemnités de réduction et les indemnités de rapport.
Selon l’article 825 du Code civil, la masse partageable comprend les biens existant à l’ouverture de la succession, ou ceux qui leur ont été subrogés, et dont le défunt n’a pas disposé à cause de mort, ainsi que les fruits y afférents. Elle est augmentée des valeurs soumises à rapport ou à réduction, ainsi que des dettes des copartageants envers le défunt ou envers l’indivision.
Les indemnités de rapport
Le mécanisme de la réserve oblige de tenir compte des mouvements de valeur intervenus dans le patrimoine du défunt de son vivant afin de s’assurer notamment que chacun des héritiers réservataires est bien en mesure de percevoir sa réserve.
Le rapport des donations consiste à réintégrer dans la masse successorale partageable la valeur des libéralités consenties au profit des héritiers, afin de garantir l’égalité entre eux.
Le rapport peut être demandé uniquement par les héritiers et la demande ne peut se prescrire avant la demande en partage, elle-même imprescriptible (Civ. 1, 22 mars 2017, n° 16-16894).
Ce rapport s’explique par le fait que l’indemnité de rapport s’ajoute à la masse à partager, après déduction du passif et des legs.
Le rapport étant une opération de partage, il doit être demandé dans le cadre d’une procédure de demande de liquidation et partage de la succession.
Les libéralités rapportables
On distingue les donations qui sont présumées rapportables et les legs qui sont présumés faits hors part successorale et consécutivement ne sont pas rapportables.
Il s’agit d’une présomption simple qui est renversée en cas de stipulation contraire du disposant.
Les donations sont présumées rapportables indépendamment de leur forme : don manuel, donation déguisée ou donation indirecte.
Le rapport concerne également les fruits du bien donné et le bien acquis grâce à un don d’une somme d’argent.
L’évaluation de l’indemnité de rapport : art. 860 CC
Les règles d’évaluation de l’indemnité de rapport posées à l’article 860 du Code civil s’appliquent sauf stipulation contraire du donataire.
Elles sont équivalentes à la réunion fictive.
Si le bien est toujours dans le patrimoine de l’héritier gratifié
Dans ce cas, il doit être intégré pour sa valeur au jour du partage, d’après son état à l’époque de la libéralité.
La plus-value mécanique du bien profite à la succession. En revanche, si elle est due à une intervention du donataire, elle n’est pas considérée.
Cette distinction s’explique par le fait que si le bien était resté dans le patrimoine du défunt, il aurait bien été intégré à la succession pour sa valeur liée à l’évolution du marché.
Si le bien ne se trouve plus dans le patrimoine du donataire
Dans ce cas, il faut distinguer :
- si le bien a été aliéné avant le partage : on tient compte de la valeur que le bien avait à l’époque de l’aliénation (le prix de vente),
- si un autre bien a été subrogé : on tient compte de la valeur de ce nouveau bien à l’époque du partage, d’après son état à l’époque de l’acquisition. Toutefois, si la dépréciation du nouveau bien était, en raison de sa nature, inéluctable au jour de son acquisition, il n’est pas tenu compte de la subrogation.