Premiers impacts de la guerre sur l'immobilier
Publié le 7 Mars 2022
Il y a deux ans, presque jour pour jour, le monde entrait dans l’ère Covid. Depuis les marchés financiers et immobiliers ont été largement sous l’influence des politiques économiques et monétaires mises en place pour endiguer les effets des restrictions sanitaires.
Aujourd’hui, l’invasion de l’Ukraine par la Russie, première guerre d’agression transfrontalière en Europe depuis 1945, a toutes les chances de les influencer durablement. Les risques extrêmes sur les marchés seraient exacerbés.
Croissance économique, inflation et taux d’intérêt
L’incertitude actuelle risque de provoquer un désir d’accumulation d’épargne de précaution de la part des ménages et un attentisme sur les investissements de la part des entreprises, ralentissant la vitesse de circulation de la monnaie. Entre goulot d’étranglement sur l’offre en biens manufacturiers, baisse du pouvoir d’achat et comportement de précaution, les revenus des ménages et les profits des entreprises pourraient être amputés, ce qui pèserait sur les emplois de bureaux, la demande placée et la solvabilité immobilière des agents privés.
Avant l’invasion de l’Ukraine, la hausse des prix en Europe était essentiellement liée à la hausse du prix de l’énergie et aux tensions post-Covid sur les chaînes d’approvisionnement. La hausse du prix de l’énergie va s’intensifier et l’inflation pourrait connaître une nouvelle dynamique qui, si les pressions perdurent, pourraient véritablement déclencher des demandes de compensation salariale. La nouvelle fragmentation du commerce mondial avec l’isolement économique de la Russie ne peut aussi déboucher que sur un régime d’inflation plus intense.
Les taux d’intérêt réels devraient rester en territoire négatifs, voire baisser encore, ce qui est une configuration favorable à l’immobilier. À moyen terme, tout dépendra de l’ancrage de l’inflation dans les circuits économiques. Si cet ancrage est fort, la réponse de la BCE sera plus appuyée et la normalisation plus rapide qu’escomptée jusqu’ici.
Conséquences sur l’immobilier
Le scénario d’un ralentissement économique en Europe couplé à une forte inflation, soit un épisode de stagflation, voit donc sa probabilité augmenter si une issue diplomatique n’est pas rapidement trouvée. Durant ces périodes de stagflation, les loyers sont tirés à la hausse par le mécanisme d’indexation mais face à des revenus amoindris, il est difficile de faire passer ces hausses aux locataires, sauf aux entreprises qui sont capables de répercuter la pression de leurs coûts de revient sur leurs prix de vente.
En France, durant la longue période de stagflation provoquée par les chocs pétroliers de 1973 et 1979, l’immobilier s’est bien comporté avec une performance globale réelle positive portée par les rendements en capital alors que les rendements locatifs réels étaient négatifs. Durant cette période de très forte inflation, les taux réels de long terme sont restés très négatifs en tout début de période avant de devenir très positifs en fin de période.
La stagflation du début des années 1990 n’a pas été favorable à l’immobilier mais il s’agissait alors de l’éclatement d’une bulle immobilière.
Les deux autres périodes de stagflation en France ont été de courte durée.
La crise financière globale, également d’origine immobilière, a été très négative à l’immobilier. La crise Covid, très violente et très courte, n’a eu qu’un effet passager.
Les marchés de l’immobilier coté en Europe n’envoient pas de signaux particuliers.
L’ensemble des segments à l’exclusion du commerce s’effrite depuis le début de l’année. La logistique et la santé sont ceux qui reculent le plus.
De façon plus fondamentale, la fragmentation du marché immobilier à l’œuvre durant la crise Covid se corrige lentement par une convergence des performances des différents segments.
Source : Béatrice Guedj et Pierre Schoeffler, seniors advisors IEIF (Institut de l'épargne immobilière et foncière)