Les frais de réinstallation comme indemnité accessoire d'une indemnité d'éviction

Publié le 3 Octobre 2023

Dans le cadre de l'évaluation d'une indemnité d'éviction, à titre accessoire, les frais de réinstallation sont ceux nécessaires à la reprise de l’activité du locataire dans de nouveaux locaux.

Entrent dans cette catégorie les travaux d’aménagement et d’équipement, ainsi que les travaux de mise aux normes.

Ces dépenses doivent avoir été constatées dans le local objet de l’éviction.

Ces frais ne concernent pas le matériel nécessaire qui fait lui, partie intégrante du fonds.

Les frais de réinstallation dans de nouveaux locaux sont pris en compte depuis l’arrêt Sophia GE Capital / Monoprix du 21/03/2007, n° 06-10780 confirmé  par l’arrêt CIV 3, 21/01/2014, n° 12-27078. Le locataire n’a pas à supporter les frais d’une réinstallation coûteuse à proportion du degré d’amortissement des investissements effectués dans le local qu’il quitte ou qu’il abandonne par la contrainte. Il convient de tenir compte de ces frais de réinstallation pour évaluer le préjudice subi, tant dans l’hypothèse du remplacement (perte du fonds) que dans celle du déplacement (transfert du fonds). Pour s’opposer à ce chef de préjudice, le bailleur doit démontrer que le locataire ne se réinstallera pas (CIV 3ème, 11/07/2019, n°18-16993 SNC Avoriaz / Sté Pierre-et-Vacances).

L’aménagement des nouveaux locaux livrés au locataire est un préjudice que le bailleur doit supporter en partie et souverainement fixé par le juge même en l’absence de pièces justificatives.

La clause d’accession sans indemnité au profit du bailleur est inopérante sur les frais de réinstallation (CIV 3ème, 13/09/2018, n° 16-26.049).

Selon la jurisprudence, on différencie les aménagements ordinaires des aménagements spécifiques.

Les aménagements « ordinaires »

Ces aménagements ordinaires sont indemnisés en tenant compte de l’état et du niveau d’amortissement des aménagements de même nature perdus, soit de manière forfaitaire, soit en pratiquant un abattement de vétusté sur les devis de travaux des nouveaux aménagements (CA Paris, 15/01/2020, n° 17/16616). L’abattement pour vétusté ne peut s’appliquer que sur le coût d’acquisition du matériel, mais pas sur le coût des travaux nécessaire à leur installation (CA Pau, 07/02/2020, n° 18/02754).

Ces frais de réinstallation sont pris en compte à proportion du degré d’amortissement des investissements abandonnés. Toutefois, le préjudice ne peut être indemnisé deux fois dès lors que le fonds est intégralement indemnisé. En cas de perte du fonds, les agencements ordinaires non amortis sont pris en compte dans l’évaluation du fonds et ne peuvent faire l’objet d’une indemnisation.

Cependant, si la perte du fonds n’est pas exclusive de l’obtention de frais de réinstallation, ceux-ci ne peuvent consister qu’en des frais qui ne sont pas déjà couverts par l’indemnité principale et qui procèdent donc de la nécessité d’aménagements spécifiques (TGI Paris 19/01/2017 - Aubert hôtel Prince Albert / SCI Hyacinthe Saint Honoré - RG 13/09529).

Les aménagements « spécifiques »

Semblables à ceux perdus, ils doivent être indemnisés, quel que soit leur coût, à leur valeur à neuf, sans qu'il y ait lieu de tenir compte de l'amortissement des installations abandonnées (CA Paris, 05/02/2020). Cette indemnité n’est due que si la réinstallation implique de réaliser des aménagements spécifiques comme c’est le cas pour les enseignes des grandes et moyennes surfaces GMS (CA Paris, 27/11/2013 et 18/12/2013).

« Les frais de réinstallation sont ceux nécessaires à la reprise de l'activité du locataire dans de nouveaux locaux : travaux d'aménagement ou d'équipement, travaux de mise aux normes, etc. Les aménagements spécifiques, semblables à ceux perdus, doivent être indemnisés, quel que soit leur coût à leur valeur à neuf, sans qu'il y ait lieu de tenir compte de l'amortissement des installations abandonnées ».

Par qualification de frais de réinstallation et d’indemnité accessoire versée à ce titre, il faut comprendre les frais que supporte le locataire pour mettre en place dans son nouveau fonds des aménagements en tous points semblables à ceux qu’il perd (CIV 3, 06/11/1969 ; CA Paris, 14/03/2018, n° 16/08508). Si tel serait, le preneur sortant devra fournir des justificatifs.

En conséquence, pour obtenir l’indemnisation intégrale de ces aménagements spécifiques, l'exploitant sortant doit démontrer au juge que ces aménagements existaient dans le local perdu, et qu’ils revêtaient un caractère spécifique.

Dans le cadre d'une GMS, il sera retenu pour la mise au concept uniquement sur justificatifs la surface de l’aire de vente voire également celle des laboratoires et chambres froides.

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