Indemnité d'éviction: les frais de réinstallation
Publié le 21 Mai 2024
Les frais de réinstallation sont ceux nécessaires à la reprise de l’activité du locataire dans de nouveaux locaux.
Par qualification de frais de réinstallation, il faut comprendre les frais que supporte le locataire pour mettre en place dans son nouveau fonds des aménagements en tous points semblables à ceux qu’il perd (CIV 3, 06/11/1969 ; CA Paris, 14/03/2018, n° 16/08508).
Entrent dans cette catégorie les travaux d’aménagement et d’équipement, ainsi que les travaux de mise aux normes.
Ces dépenses doivent avoir été constatées dans le local objet de l’éviction.
Ces frais ne concernent pas le matériel nécessaire qui fait partie intégrante du fonds.
Les frais de réinstallation dans de nouveaux locaux sont pris en compte depuis l’arrêt Sophia GE Capital / Monoprix du 21/03/2007, n° 06-10780 confirmé par l’arrêt CIV 3, 21/01/2014, n° 12-27078.
Le locataire n’a pas à supporter les frais d’une réinstallation.
Pour s’opposer à l’indemnité de frais de réinstallation, le bailleur doit démontrer que le locataire ne se réinstallera pas (CIV 3ème, 11/07/2019, n°18-16993 SNC Avoriaz / Sté Pierre-et-Vacances).
La clause d’accession sans indemnité au profit du bailleur est inopérante sur les frais de réinstallation.
Une clause d’accession sans indemnité stipulée au profit du bailleur ne fait pas obstacle au droit du preneur évincé d’être indemnisé des frais de réinstallation dans un nouveau local bénéficiant d’aménagements et d’équipements similaires à celui qu’il a été contraint de quitter . (CIV 3ème, 13/09/2018, n° 16-26.049).
Selon la jurisprudence, on différencie les aménagements ordinaires des aménagements spécifiques.
- Les aménagements « ordinaires »
En tenant compte de l’état et du niveau d’amortissement des aménagements de même nature perdus, les aménagements ordinaires sont indemnisés ;
- soit de manière forfaitaire ;
- soit à proportion du degré d’amortissement des investissements abandonnés (CA Paris, 5ème Chambre, 3ème Section, 24/02/2010, SARL Etoile François 1er c/ SAS Chez Clément) ou en pratiquant un abattement de vétusté sur les devis de travaux des nouveaux aménagements (CA Paris, 15/01/2020, n° 17/16616). Il est important d’examiner si le locataire devait faire des travaux pour remédier à la vétusté des locaux ou des équipements ou s’il n’en avait pas l’intention. La Cour d’appel de Pau précise que l’abattement pour vétusté ne peut s’appliquer que sur le coût d’acquisition du matériel, pas sur le coût des travaux nécessaire à leur installation (CA Pau, 7/02/2020, n° 18/02754).
On tient compte de ces frais pour évaluer le préjudice subi, tant dans l’hypothèse du remplacement (perte du fonds) que dans celle du déplacement (transfert du fonds).
En cas de perte du fonds :
- Les biens ordinaires amortis ont une valeur nette comptable (VNC) nulle mais ils ont une valeur marchande ou valeur d’usage sur le marché d’occasion (exemple dans le secteur agricole ou le secteur CHR…). Le preneur doit démontrer leur valeur.
- les agencements ordinaires non amortis ne peuvent faire l’objet d’une indemnisation car ils sont pris en compte dans l’évaluation du fonds. Le préjudice ne peut être indemnisé deux fois dès lors que le fonds est intégralement indemnisé.
L’aménagement des nouveaux locaux du locataire est un préjudice que le bailleur doit supporter à l’appréciation souveraine du juge même en l’absence de pièces justificatives.
- Les aménagements « spécifiques »
Si la perte du fonds n’est pas exclusive de l’obtention de frais de réinstallation, ceux-ci ne peuvent consister qu’en des frais qui ne sont pas déjà couverts par l’indemnité principale et qui procèdent de la nécessité d’aménagements spécifiques (TGI Paris 19/01/2017 - Aubert hôtel Prince Albert / SCI Hyacinthe Saint Honoré - RG 13/09529).
L’indemnité pour frais de réinstallation n’est due que si la réinstallation implique de réaliser des aménagements spécifiques comme c’est souvent le cas pour les enseignes (CA Paris, 27/11/2013 et 18/12/2013).
Les aménagements spécifiques semblables à ceux perdus, doivent être indemnisés, quel que soit leur coût, à leur valeur à neuf, sans qu'il y ait lieu de tenir compte de l'amortissement des installations abandonnées (CA Paris, 05/02/2020). Les frais de réinstallation sont ceux nécessaires à la reprise de l'activité du locataire dans de nouveaux locaux : travaux d'aménagement ou d'équipement, travaux de mise aux normes, etc. Les aménagements spécifiques, semblables à ceux perdus, doivent être indemnisés, quel que soit leur coût à leur valeur à neuf, sans qu'il y ait lieu de tenir compte de l'amortissement des installations abandonnées.
Le montant des frais de réinstallation est plus élevé en cas de transfert qu’en cas de perte. En effet, en cas de perte du fonds, il n’est retenu que les frais relatifs aux spécificités, c’est-à-dire essentiellement les travaux de mise au concept (les enseignes ont généralement des normes précises en termes d’agencements, de couleurs, etc.) ou de signalétique. En cas de transfert du fonds de commerce, l’indemnisation est plus large, car il peut être retenu des travaux d’aménagements du local (travaux d’électricité, de câblage, etc.).
Pour obtenir l’indemnisation intégrale de ces aménagements, le commerçant devra donc démontrer que ces derniers existaient dans le local perdu, et qu’ils revêtent un caractère spécifique.