Troubles anormaux de voisinage : nuisances provenant des élevages

Publié le 12 Juin 2024

Lors d’expertises, nous rencontrons beaucoup de châtelains ou de propriétaires de propriétés rurales, dont la valeur vénale ou locative de leur bien subit un abattement de 10 à 20% pour trouble de voisinage.

L’arrivée des néo-ruraux, et particulièrement depuis la crise du Covid avec le télétravail, est devenue pour les maires de communes rurales une source de conflits avec les exploitants agricoles éleveurs de bovins, porcins, équidés, volaille, … lors des épandages de fumier, de lisier ou tout simplement en raison des émissions sonores et olfactives avec la présence désagréable d’insectes comme les mouches qui attisent l’incompréhension entre rats des champs et rats des villes.

Dans un arrêt (CIV 3ème, 07/12/2023, n° 22-22.137), la Cour en suivant la Cour d'appel d'Amiens a rappelé l’article L 110-1 du code de l’environnement qui dispose que nul de devait causer à autrui un trouble anormal de voisinage.

Cet article concerne la protection des espaces, ressources et milieux naturels. Il n’exonère pas les exploitations agricoles de la responsabilité qu’elles encourent lorsque les nuisances générées par leur activité excèdent, compte tenu de leur récurrence, de leur intensité ou de leur localisation, les inconvénients normaux du voisinage.

Les juges du fonds sont souverains dans l’appréciation de cette anormalité.

La Cour fait une distinction entre ce qui est « normal » et ce qui est « anormal », entre ce qui est d’origine naturelle et ce qui provient des activités humaines.

Ainsi comme le précise l’art. L 110-1 du code de l’environnement, il est reconnu que des sons et des odeurs caractérisent les sites, les paysages diurnes et nocturnes, la qualité de l’air, la qualité de l’eau, les êtres vivants et la biodiversité de notre patrimoine commun de la nation : ils sont d’origine naturelle.

Par contre, il n’en est pas de même pour ce qui provient des activités humaines, comme par exemple, les nuisances olfactives lors des épandages ou provenant des stabulations ou les nuisances sonores provenant des canons effaroucheurs pétaradant de jour comme de nuit à proximité des habitations.

Les commissaires enquêteurs et les maires de communes rurales doivent dialoguer avec les exploitants et les syndicats d’exploitations agricoles pour veiller au respect des règles de bons voisinages lors de la cohabitation entre les ruraux et les urbains et particulièrement les néo-urbains qui s’installent à la campagne.

Les exploitants agricoles, comme les autres professionnels, bénéficient aux termes de l’article L 113-8  CCH d’une immunité pour leurs activités antérieures à la loi n°2021-85 du 29 janvier 2021. Cette immunité est d’ailleurs maintenue, sous certaines conditions, en cas de modifications des conditions d’exploitation.

Retenons que les exploitants agricoles ne peuvent plus, sous peine de sanction pour trouble anormal de voisinage, disposer librement de l’espace rural qui est commun à l’ensemble des habitants des campagnes.

Cet arrêt soulève par ailleurs l’autre question relative à la dévalorisation des châteaux, manoirs, maisons de maître qui sont trop proches d’exploitation agricole d’élevage voire souvent à proximité immédiate lorsque leurs communs sont devenus le lieu de l’exploitation agricole avec des extensions de bâtiments (stabulations libres, poulaillers, panneaux solaires, silos, etc.).

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